Par J.B.D
Lorsque Michel Détré était enfant, il se promenait souvent dans cette cité où l'architecture, le travail du verre, du métal rappelaient partout la période d'avant la première guerre mondiale. Nancy était alors l'un des centres Artistiques du monde. Après l'annexion de l'Alsace et de la Moselle par le Kaiser en 1871, cette ville avait vu arriver des industriels, des entreprises, des artistes, qui sous l'impulsion d'Emile Gallé, créèrent l'Ecole de Nancy. L'objectif de cette école était de promouvoir tous les Arts Décoratifs – Travail du verre, du bois, du cuir, du tissu, du métal etc… Son architecture, pleine de légèreté, de courbes, de volutes inspirées par les formes végétales, était une sorte de pied de nez adressé à l'Allemagne toute proche, dont l'architecture était, elle, considérée comme lourde et massive. Après la grande guerre, et jusque dans les années 60, cette école fut oubliée, voir méprisée à Nancy même et ailleurs en France. A l'Ecole des Beaux-Arts, on parlait avec mépris du style « Nouille ». Dans les années 70, les opérations d'urbanisme entraînèrent la destruction de nombreuses constructions Art Nouveau dans cette ville, comme à Paris où des villas dessinées par Hector Guimard furent rasées. Quelques personnes, dont Alain Blondel et Yves Plantin, allèrent fouiller dans les décombres de ces maisons, comme le « Castel Henriette » et dans leur Galerie Parisienne, « la Galerie du Luxembourg », firent une première exposition à la redécouverte de Guimard. Pendant cette période, de nombreux collectionneurs et marchands d'Art remirent au goût du jour la verrerie et le mobilier Art Nouveau. Aussi, les prix des oeuvres de Gallé, des frères Daum, de Walter, Paul Nicolas, Majorelle, etc… se mirent à grimper en flèche dans les salles des ventes du monde entier. Les japonais en devinrent les principaux acheteurs. Il faut dire que l'Art Nouveau Nancéen avait entre autre été influencé par l'Art Japonais. Hokkai Takashime, peintre botaniste, ingénieur, avait fait un séjour à Nancy. En 1901, il fut admis au comité directeur de l'école pour son engagement dans ce mouvement. C'est dans les années 1970 que Michel Détré commence à restaurer des pièces en verre « Art Nouveau » et « Art Déco », au point d'en faire pendant 40 ans, une activité à part entière. Il devient quasiment un des seuls restaurateurs des verreries de l'Ecole de Nancy pendant cette période.

Quand je l'ai connu, il y a une quarantaine d'années, je voulais toujours savoir s'il était plutôt sculpteur, pilote d'hélicoptère, peintre ou graphiste, créateur de bandes dessinées, de dessins d'humour, parachutiste ou pilote d'avions, restaurateur de verreries « Art Nouveau » ou pêcheur à la ligne, motard, verrier ou affichiste. Il m'a fallu du temps pour admettre qu'il était un peu tout cela à la fois, et qu'aucune de ces activités n'était pour lui plus importante qu'une autre. Elles étaient simplement complémentaires. Il fut pilote d'hydravions au moment où il peignait la mer vue du ciel. Pendant sa période hyperréaliste, il passait des journées sur une toile ou un casque intégral, peignant des thèmes traitant de la moto, étant motard lui-même. Je l'ai toujours connu avide de découvertes, sa vie entière tournée vers l'esthétisme, et avec le même enthousiasme pour commencer une peinture que pour aller à la cueillette des champignons. Il m'a dit n'avoir jamais eu la sensation de travailler de sa vie car aller à la pêche, pour lui, ou faire un tour en avion, étaient des activités liées à sa vie artistique et la solitude que l'on peut ressentir en forêt, ou dans le ciel, ou en mer ont toujours été pour lui de grandes sources d'inspiration et de réflexions. Je suis persuadé, par contre, et quoiqu'il s'en défende, qu'il est toujours un travailleur acharné, à la recherche de la perfection, de l'absolu, et donc toujours insatisfait. La vraie bonne toile n'étant bien entendu pas celle qui est terminée, mais celle qui est à venir. Autodidacte dans le travail du verre, il a su par des recherches techniques et une volonté acharnée, devenir aujourd'hui un des meilleurs restaurateurs de verreries « Art Nouveau » et « Art Déco ».
J.B.D